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J’ignorais
que Karnab était une ville si odorante et chamarrée, dit Lizarziride
en levant sa coupe vide. Mon cher Berhein, en mon nom et en celui de
tous les convives ici présents, je te remercie pour ta…
— … si somptueuse invitation, acheva Notowolik à sa place. Cette
cuisse de tricorne au caramel était un véritable délice.
Lizarziride jeta un regard assassin à son voisin. Il empoigna un
pichet en albâtre, versa de l’arak dans sa coupe, but puis se tamponna
les commissures des lèvres au moyen d’un mouchoir de dentelle. S’il
n’avait tenu qu’à lui, il aurait lancé un de ces sortilèges
transformant la langue en vipère à cet importun qui avait volé sa
flatterie, avec toute la grossièreté d’un sorcier de province du Sud.
Mais lorsqu’un confrère vous invite, et surtout vous offre pareille
bombance, il n’est pas convenable d’agir de la sorte.
Leur hôte grimaça un sourire du bout des lèvres à son encontre. Assis
en bout de table, il n’avait avalé qu’un peu de soupe. Sa main gauche
était restée cachée pendant tout le repas, ce qui n’avait pas manqué
d’éveiller la curiosité de tous. Lorsque les huit sorciers avaient
reçu l’invitation — par des voies si rapides que nul oiseau, nul
dragon n’aurait été capable de les suivre — des quatre coins de
Wethrïn, il avait été précisé qu’il y aurait un festin à la clé. Non
que les sorciers eussent une mentalité de pique-assiette, mais
l’exercice de la magie nécessitait tant d’énergie que tout pratiquant
régulier devait, pour survivre, absorber le plus de calories possible.
Quoique ne souffrant jamais de la faim, les sorciers se remarquaient
avant tout par leur extrême maigreur. |