Ce
fut entre le moment où il s’envola au-dessus d’un étalage de mangues
et de figues, et celui où il atterrit au milieu d’une avalanche de
fruits que le voleur prit conscience du fait qu’il avait été joué.
Cette constatation le projeta quelques minutes en arrière, alors que
le soleil, au zénith, dardait ses rayons sur la place bruyante de
Karnab, capitale du Vath et centre du monde.
Il n’avait eu aucun mal à pénétrer dans l’office du marchand Armao,
ancien bordel truffé de galeries secrètes, fermé par les autorités
parce qu’une prostituée ivre avait giflé un maaraja venu s’encanailler
dans les bas-quartiers. Sur le conseil d’un membre de la Guilde des
Larrons du nom de Bulack, qu’il croyait avoir acheté, Alaet s’était
faufilé dans un conduit aboutissant à une trappe qui donnait dans
l’arrière-boutique. Les lambris vernissés d’un mur en retrait
camouflaient la trappe. Le but d’Alaet était un objet que Bulack lui
avait précisément décrit : une cage armillaire en airain ciselé, dont
les éléments mobiles étaient de minuscules sabliers. Celui qui savait
utiliser cet instrument magique pouvait contrôler le temps, localement
et pour une durée d’une à deux minutes. Un sorcier en fournirait un
bon prix. Passant entre deux mannequins dépenaillés, dont la tête
faisait défaut, Alaet contourna un ballot de hamacs de corde pourris,
qui se désagrégèrent d’eux-mêmes, sans qu’il y touche, en exhalant une
odeur épouvantable. |