« Tu
aurais dû nous la livrer, lança Trokana. Tu le sais bien. Tu aurais dû ramener
Anani au Maître. Ou alors, la supprimer ! »
L’épaisse femme trolque, bardée de cuir et d’acier, posa la main sur
son cimeterre, un sabre recourbé à la lame ouvragée. La brise de la
plaine caressait son crâne lisse, sur lequel était peint son grade de
commandant de la garde.
« À présent, c’est à moi qu’il incombe de régler cette histoire,
Yamain… À moi, personnellement. » !
Sa face aplatie, écailleuse, se fendit d’un sourire sarcastique
lorsqu’elle conclut, avec une feinte compassion :
« Quel dommage… »
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Son interlocuteur n’appartenait à aucune des espèces naturelles qui
peuplaient Wethrïn. Son allure grossièrement humaine était démentie
par une paire de bras supplémentaires rattachée au torse, une taille
de trois mètres, ainsi que par le matériau qui lui servait d’enveloppe
charnelle : de la terre cuite rouge semblable à celle dont on se
servait pour fabriquer les briques. Il était aussi creux qu’une
poterie. Sa tête aurait pu appartenir à une gargouille arrachée au
fronton d’un temple.
Il regarda autour de lui. Une steppe rocailleuse à perte de vue, sans
abri où se cacher hormis des brouillons de buissons épineux. Au moins
dix lieues le séparaient du village le plus proche. Une vaste forêt
s’étendait vers le levant, à l’opposé de la chaîne montagneuse d’où il
venait. |